samedi 7 juin 2008

"Viva la coca, fuera los yanquies!"

Arrivées le 1er février à Cuzco, nous constatons avec désespoir que notre auberge est perchée sur un flanc de la cuvette. Pour l'atteindre, il nous faut affronter l'interminable escalier qui s'élance à nos pieds, fier et stoïque. Nous grimpons trois marches et sommes essoufflées, les battements de mon coeur me font presque mal et j'ai la tête qui tourne, les 20h de bus depuis Lima n'ont pas suffit pour nous acclimater aux 3600 mètres d'altitude de l'ancienne cité Inca, et les sacs de 15 kilos que nous portons sur le dos n'aident pas.



De pause en pause, nous arrivons malgré tout à l'auberge, les joues écarlates et les sinus pesants. En nous voyant, Segundo, notre hôte, sait de suite ce qu'il lui reste à faire: 3 infusions de coca et ça ira mieux! Avec un peu de sucre ce n'est pas mauvais, et ça détend. L'effet n'est pas immédiat, mais en gambadant dans la ville l'après-midi, on se sent lègères, les montées sont moins douloureuses, le mal de tête s'est dissipé, et la fatigue avec.


www.cocaine.org/coca-leaves.html.

Coca, il suffit de prononcer ce mot pour que l'homme blanc se raidisse. Chez les uns il suscite la méfiance, voire la peur, chez les autres la fascination, l'excitation, le goût de l'interdit. Pourtant dans les hauteurs Incas, il n'est que le simple quotidien des habitants et des travailleurs, qui en permancence, défient l'altitude. Ce quotidien, il nous faudra l'adopter rapidement pour palier le manque d'oxygène et éviter les maux de tête. En infusions, en bonbons, en biscuits ou sous sa forme naturelle, la feuille de coca nous accompagnera tout au long du voyage sur l'altiplano.



Plante sacrée des Andes, la feuille de coca fut utilisée à des fins religieuses et thérapeutiques pendant des milliers d'années par les civilisations incas et préincas, et pendant des siècles par les peuples amazoniens et guaranis. Mastiquée ou en infusion, elle fit également la fortune des conquistadors espagnols, avant de faire celle de Coca-Cola. Connue pour ses effets énergisants, elle abonde en sels minéraux, en fibres et en vitamines. En 1975, des chercheurs de l'université Harvard affirment que la valeur nutritionnelle de la plante serait comparable à celle d'aliments comme le quinoa, les arachides, le blé ou le maïs. Parce qu'elle stimule l'oxygénation, empêche la coagulation sanguine et régule le métabolisme glucidique, elle permet une adaptation rapide à la vie en altitude. Enfin d'après Nieves Mamani, membre d'une des 6 fédérations syndicales de Cochabamba, dans le Chapare* bolivien, la coca contiendrait plus de calcium que le lait, plus de fer que les épinards et autant de phosphore que le poisson.

Mais en 1858, la découverte de l'alcaloïde cocaïne par Albert Niemann lui porte un coup fatal. Bien qu'elle ne représente que moins d'1% des 14 alcaloïdes de la feuille de coca, la cocaïne est rapidement utilisée par l'industrie pharmaceutique pour ses propriétés anesthésique et analgésique. Un peu plus tard, sa transformation en clorhydrate de cocaïne et la commercialisation de cette substance chimique dans les pays du Nord y rendra des millions de personnes dépendantes. Classée dans la catégorie des plantes psychotropiques, elle perd les faveurs du monde occidental. Sa proscription par toutes les instances internationales met fin à toute production, industrialisation et commercialisation de la plante. Seul un usage traditionnel reste permis dans les pays andins, plusieurs études scientifiques ayant démontré que le peu de cocaïne libérée pendant la mastication serait totalement hydrolisé au cours de la digestion, n'ayant aucun effet sur le système nerveux.



L'amalgame entre cocaïne et coca accentue les préjugés envers les populations andines, qui payent le prix d'une pratique étrangère à leur culture. Car ces pays ne fournissent ni les 41 produits chimiques nécessaires à la formation du clorhidrate de cocaïne, ni ses millions de consommateurs.

Les consommateurs de cette drogue de luxe, c'est dans les pays du Nord qu'il faut aller les chercher, et principalement aux Etats-Unis, premier consommateur mondial de cocaïne. Aujourd'hui la feuille de coca est une des cibles privilégiée de l'Anti-drug war menée par ces derniers. Après le Plan Colombia, c'est le Plan Dignidad, initié en 1998 et financé essentiellement par les Etats-Unis, qui entend rendre sa dignité à la Bolivie en détruisant toutes les cultutes de coca du pays. Déploiements militaires dans les forêts du Chapare, pesticides, fumigations aériennes, tous les moyens sont bons pour erradiquer par la force cette pratique jugée "indigne". Estimé comme un succès par l'administration américaine, le Plan Digninad est montré en exemple aux yeux de la communauté internationale. Un succès que payent cependant à prix fort l'environnement, la santé et les économies des petits paysans boliviens. Car si le Plan Dignidad finance largement l'erradication de la plante, il fait à peine mention des activités de substitution, plongeant les paysans du pays le plus pauvre d'Amérique Latine dans l'impuissance et la vulnérabilité la plus totale. Le plan ignorerait-il les causes de cette activité?

Elles sont pourtant simples les causes. Tradition certe, mais surtout chômage et faiblesse de l'économie bolivienne face à la compétition internationale, qui obligent des centaines de milliers de paysans à faire de la coca leur moyen de subsistance, se livrant ainsi aux mains des narcotraficants. En 2005, c'est cette Bolivie qui porte Evo Morales, lui même ancien producteur de coca, à la présidence. Le message crié par ses partisans est simple: "Viva la coca, mueran los Yanquies".**


En accédant au pouvoir, Evo Morales s'est lancé un défi majeur: prouver à la communité internationale que la coca n'est pas un stupéfiant et faire de cette plante un moyen de développement national. Il entend neutraliser la production de clorhidrate de cocaïne en combattant l'entrée des produits chimiques nécessaires à son élaboration dans le pays, relancer la recherche sur les 14 alcaloïdes de la feuille pour l'instant bloquée par le carcan juridique international et encourager la fabrication de produits dérivés de la coca (infusions, farine, cosmétiques, biomédicaments, etc.), pour en faire un véritable marché national voir international. En signe de solidarité, Hugo Chavez a annoncé que son pays achèterait tous les produits issus de l'industrialisation de la coca.



Autant le dire: Evo et Hugo ont du pain sur la planche!



* Le Chapare est une province rurale située au centre de la Bolivie, caractérisée par ses forêts tropicales et humides. C'est en son sein que se cultive la majorité de la coca.
** "Que vive la coca et que meurent les Yankees"

lundi 12 mai 2008

San Antonio de los cobres.

Partis de Salta au matin du quatrième jour de notre expédition dans le Nord-ouest argentin, les vertèbres tassées par les rebondissements de la kangoo et la tête pleine de cactus, de montagnes et de plaines désertiques, nous arrivons pour déjeuner à San Antonio de los cobres.

Capitale du département de Los Andes, perdue en pleine Puna de la Province de Salta, région caractérisée par son aridité, ses plateaux à plus de 3000 mètres au dessus du niveau de la mer, ses salines, ses sommets aux multiples couleurs riches en minéraux, ses températures extrêmes, son manque d'oxigène, sa basse pression atmosphérique, ses lamas et autres camélidés, San Antonio de los Cobres git sur un plateau désert et désolé. Ses maisons de terre se camouflent dans le décor sableux, on se croirait face au dernier survivant d'une lutte acharnée, survivant à bout de force, il suffirait d'un coup de vent pour tout balayer.



Historiquement, San Antonio fut d'abord habité par les civilisations pré-colombiennes de La Puna, avant de constituer l'une des nombreuses colonie de l'empire Inca, jusqu'à la conquête espagnole au début du seixième siècle. Conquête qui profita rapidement des ressources minières de la région pour faire de San Antonio un réservoir de main d'oeuvre au service des mines de cuivre.

Aujourd'hui, San Antonio de los Cobres est plus généralement connu des touristes comme le terminal du Tren a las nubes (train des nuages), voie ferrée construite au début du 20ème siècle pour acheminer les produits miniers de la Puna vers la capitale provinciale: Salta. Converti en attraction touristique au début des années 70, il fut mis hors service au début des années 90 pour cause de dangereux problèmes techniques. Aujourd'hui, c'est en voiture que les touristes serpentent à travers la Quebrada del Toro, pour atteindre le village de San Antonio.



A peine sommes nous sortis de la voiture que des hordes de gamins se bousculent pour nous vendre une pierre trouvée par terre, un lama porte-clé ou encore quelques feuilles de coca. D'autres crient "yoghurt, yoghurt", dans l'espoir que nous leurs achetions un peu de cette source de calcium essentielle à leur croissance, ou nous tendent directement un papier contenant leur nom et leur adresse, pour qu'on leur envoit "des cadeaux". Désemparés, nous entrons rapidement dans un comedor local pour déjeuner, et les enfants, les joues brûlées par le vent et le soleil, s'en retournent errer aux côtés de leurs mères dans les rues poussiéreuses de San Antonio.



Seuls absents du décor: les hommes. Ou sont-ils donc passés? Interloquée, je prends le temps de discuter avec quelques mères de famille, qui m'expliquent que leurs maris, sans emplois, sont partis, les laissant seules avec les enfants. Les seuls qui restent élèvent tant bien que mal quelques moutons dans la Puna, ou travaillent dans les mines. Mais comme dirait Francisco, du haut de ses 5 ans, "parfois ils meurent, parce qu'on les exploite". Alors ils partent, fuyant ce quotidien sinistre et sans issue, abandonnant femmes et enfants à l'isolement tant géographique qu'économique de San Antonio. Car l'avenir de cette ville déshéritée n'est en effet pas très prometteur, les produits chimiques utilisés dans les exploitations minières pour laver les minerais ont pollué les rares cours d'eau de la région, rendant ces derniers non potables et toute irrigation impossible. Que reste-t-il aujourd'hui aux descendants des civilisations Inca et pré-Inca ayant eu le malheur de naître dans cette enclave? Pas grand chose. Et pourtant le gouvernement de la province vient de faire construire plusieurs centaines de logements sociaux, mais pourquoi encourager les gens à vivre dans un endroit aussi hostile à leur survie? Peut-être parce que leur déplacement ne ferait qu'enfler les bidonvilles de Salta.



Triste décor que l'on trouve donc à San Antonio de los Cobres, que nous quittons remplis d'amertume, peinant à digérer la viande fraichement ingurgitée, alors que dans la rue les enfants se battent pour les quelques biscuits que nous venons de leur acheter...

dimanche 11 mai 2008

D'Iguazu à Salta, la transumance du troupeau.

Les photos du périple familial sont en ligne!

vendredi 18 avril 2008

Enfumés

Mercredi matin, en sortant de chez moi, j'ai comme l'impression d'avoir la vue qui se voile et les yeux qui piquent, serait-ce la fatigue? Le rhume? La respiration aussi se fait péniblement, autour de moi certains s'enfouissent le nez derrière l'écharpe, tout le monde semble cligner des yeux plus fréquemment que d'ordinaire... ça sent le brûlé, encore les voisins qui font un asado? Non, ce manteau opaque qui couvre la ville, irrite la gorge et pique les yeux, est bien de la fumée. Enfumés, c'est bien ce que nous sommes depuis le début de la semaine.

On vous a longtemps nargué avec nos photos ensoleillées? Vous avez envie de vous venger? Eh bien il semblerait que l'heure soit arrivée. Depuis une dizaine de jours, la ville s'est transformée en une cité morbide, où l'on verrait bien déambuler les personnages de Tim Burton. Après la vague de froid du week-end dernier, arrivée violemment et sans prévenir, comme pour nous rappeler que la fin de l'été avait sonnée, c'est un nuage de fumée qui ces derniers jours, a élu domicile au-dessus de la ville. Il semblerait en effet que les agriculteurs du Delta du Tigre aient choisi de brûler leurs mauvaises herbes tous ensembles, et cela à la fin de l'été, autrement dit la période où l'herbe est la plus sèche. Partis d'une intention innocente, mais peut être trop insouciante, ces incendies volontaires se sont rapidement propagés, devenant inmaitrisables.


(Vue satellitale du Delta et de la ville de Buenos Aires)

Un acte inconscient qui a jusqu'à présent causé la mort de 9 personnes et blessé 50 autres, dû au manque de visibilité sur les routes. Un dérapage qui a transformé tous les alentours du Delta en une parilla géante, entrainant une sévère augmentation des allergies et des crises d'asthme. Depuis bientôt 4 jours, la fumée est partout, dans les amphis, les bars, les bus, le métro, elle va même jusqu'à s'infiltrer dans nos chambres, partout ce voile opaque qui vous obscurcit la vue, et cette odeur de brûlé qui vous colle à la peau. Plus qu'oppressante, cette fumée est étouffante, rend claustrophobe. Face à elle on se sent démunis, impuissants, soumis au bon vouloir des vents et de la pluie.
Dans le regard des gens, la perplexité et l'incompréhension se mellent à la colère: comment se fait-il qu'un geste aussi bénin ait pu mener à une situation aussi extrême? Pourquoi une telle inconscience chez certains membres de la société argentine?



Un seul gagnant dans l'affaire: le gouvernement, pour qui cet accident tombe à pic. En effet, les incendies sont pour eux une occasion de diaboliser un peu plus les agropecuarios, et de monter le peuple contre le campo, à qui il tente depuis quelques temps et sans grand succès, d'imposer d'importantes rétentions fiscales.

mardi 18 mars 2008

La Paz

Parties en fin de journée de Copacabana, nous arrivons de nuit à La Paz, le soleil vient de s'éteindre derrière les sommets de l'altiplano, devant nous, à 3600m d'altitude, s'étend la capitale, semblable à une voie lactée, recouvrant toutes les parois de la cuvette, jusqu'à en déborder.

Il fait nuit mais les petites bonnes femmes sont toujours là, assises sur leurs 15 couches de jupons, tentant en vain d'épuiser leur stock de maïs ou de patates douces. A peine avons-nous posé le pied par terre que des passants nous sautent dessus, nous mettant en garde sur la sécurité: "Ne restez pas ici, c'est très dangereux, vous voyez ces jeunes là bas, ils pourraient vous voler, montez vite dans un taxi, mais attention, ce ne sont pas tous des vrais, certains se font passer pour des taxis pour mieux vous voler ou vous kidnapper", paranoïa ou réalité? Difficile de juger, mais mieux vaut ne pas prendre de risque, nous montons donc dans un taxi et nous dirigeons vers l'hostel, c'est vendredi ou samedi soir, je ne sais plus exactement, toujours est-il que dans le centre, tout le monde est de sortie, la musique des peñas s'échappe des fenêtres en dansant, accompagnée par les clignotements des panneaux publicitaires.


La Paz, surnommée le marché à ciel ouvert, de fait on ne pourrait pas mieux illustrer la ville, cet empire de la débrouille, où l'on vit et survit dans la rue. L'après-midi nous déambulons quelques temps dans le marché aux sorcières, bijoux en argent, tissus colorés, ponchos, pulls en alpaga, amulettes, tout ça à des prix imbattables tellement la concurrence est rude, dur pour un touriste de ne pas tout acheter. Un peu plus haut nous nous perdons dans un marché plus authentique, véritable Auchan en plein air, ici l'électronique, là bas les fournitures scolaires et les blouses d'infirmière, un peu plus loin les shampoings et les brosses à dent, on trouve de tout dans ce dédale de ruelles et d'étals.




Nous passons un moment dans cette fourmilière humaine et je commence à ressentir des élans de claustrophobie, mes sinus gonflent et j'ai la tête qui tourne, les filles non plus ne se sentent pas très bien, il semblerait que le mal d'altitude nous gagne, c'est l'heure de la coca! Nous nous arrêtons mâcher quelques feuilles, sous les rires des passants amusés de voir les 3 blanches que nous sommes tenter avec maladresse de se mettre aux coutumes locales, c'est amer et pâteux, mais l'effet ne tarde pas à se faire sentir, les nerfs se détendent, on se sent plus alerte, ça fait du bien.

A midi nous nous arrêtons dans un des nombreux "comedor" de la ville, des galleries de petites cantines où des petites mamies vous préparent le menu du jour, un plat de seviche, un lomo saltado ou encore un cuarto de pollo, accompagné bien sûr d'une soupe en entrée, tout ça pour 40 ou 50 centimes d'euros...

La Paz, par le mode de vie et le style vestimentaire de ses habitants, habillés en costumes traditionnels, incarne la résistance indigène, parfois évidente, parfois plus subtile, camouflée, comme le sont les superstitions indiennes dans la religion catholique. En effet, s'il y a bien une chose que les conquistadors et les missionnaires n'ont pas réussi à étouffer, c'est le culte à la Pachamama, la Madre Tierra, qui aujourd'hui se mêle au christianisme.





Dans les rues de La Paz on parle parfois Quechua ou Aymara, comme un moyen de maintenir en vie l'identité de ces peuples, ces peuples qui en 2005 ont porté Evo Morales au pouvoir, premier président indigène, un président qui crie haut et fort son rejet des valeurs occidentales, son alignement avec Fidel Castro et Hugo Chavez, et préfère le costume traditionnel au costard cravate. Sur l'altiplano, Evo, on l'aime, en témoigne les nombreux "Evo cumple" ou "Con Evo sigue la revolucion" sur les murs de La Paz. De Potosi à Copacabana, en passant par Oruro et Cochabamba, ce sont ces régions de l'ouest altiplanique qui ont porté Morales au pouvoir, ensemble ils entendent bien réformer la constitution pour redonner autonomie et souveraineté aux peuples indigènes, redynamiser la production de coca, en faire une économie saine, comme le sont les vertus premières de cette plante, source de revenus de nombreux boliviens, nationaliser les matières premières au service de la communauté, et surtout chasser les Yankees, se libérer de la domination des grandes puissances, du joug du FMI et de la Banque Mondiale, mettre fin "al Imperio". Car si elle n'est pas violente, la haîne des partisans du MAS (Movimiento Al Socialismo, parti d'Evo) envers les Yankees est bien présente, latente, les poussant à crier "Que mueran los Yankees!" dans les meetings de campagne.



Elle contraste bien cette Bolivie de l'ouest, cette Bolivie de l'altiplano, avec la Bolivie de l'est, la Bolivie du bassin amazonien. A Santa Cruz ce n'est pas "Evo cumple" que l'on voit inscrit sur les murs mais "Evo morira en Santa Cruz", ou "Evo te vamos a matar", ici l'accueil que l'on réserve à ce "negro de mierda" (mots utilisés par un cruceño pour interpeller le président lors d'un meeting) est tout autre. Cette autre Bolivie qui se veut occidentale, accueille des businessmen texans et japonais, a troqué le poncho pour le jean et se sent freiné par les peuples indiens qu'elle juge pauvres et ignorants, s'estime délaissée par le nouveau président, ne se reconnaît pas dans les idées du MAS, et revendique aujourd'hui une plus grande autonomie, menaçant le pays d'imploser, à l'heure de la réforme constitutionnelle tant attendue par les peuples indigènes.



Compliquée donc la situation en Bolivie, ce pays le plus pauvre de l'Amérique Latine, contrasté, paradoxale, mais néanmoins très enrichissant, comme l'est sa capitale, que nous quittons quelques jours plus tard...

samedi 15 mars 2008

Sur les traces d'Henry Bingham*

Pour se rendre au Machu Pichu, le touriste lambda qui débarque à Cuzco les poches pleines de dollars ou d'euros tombe facilement dans les pièges attrape-gringo que lui ont malicieusement tendu les locaux, se retrouvant à payer 80 $ le billet de train aller-retour jusqu'à Aguas Calientes, le village situé au pied du site, plus 30 $ le billet d'entrée, autrement dit 110 $ pour pouvoir dire "J'ai marché dans la cité perdue des Incas", autant dire que ça fait chère la visite...



Cependant, les pauvres étudiantes que nous sommes, ayant été contraintes de dépenser plein de sous en Patagonie, fauchées et ne voulant pas suivre l'itinéraire gringo, choisirent donc de suivre un parcours alternatif que nous avaient conseillé des argentins rencontrés à Lima: une succession de 3 bus passant par 3 villages différents, suivie d'une marche de quelques heures le long des rails jusqu'à Aguas Calientes, un véritable parcours du combattant, un détour complètement illogique, mais un voyage à 8 euros au lieu de 40 $, autant dire que nous n'étions pas au bout de nos peines...

Le dimanche matin à 8h, nous arrivons à la gare de Cuzco billets en poche, les paupières encore lourdes, et bien déterminées à arriver à Aguas Calientes avant la nuit. Première étape du parcours: un bus de 7h jusqu'au premier village, Santa Maria. A 8h30 le bus n'est toujours pas là, d'ailleurs il n'y a aucun bus d'aucune compagnie, étrange... mais les gens qui attendent assis sur leur bardas ne semblent pas inquiets, après tout 30 minutes de retard en Amérique latine ça n'a rien d'affolant, attendons donc...



A 9h toujours rien, je décide d'aller demander ce qu'il se passe, on me répond qu'il y a eu de graves éboulements sur la route de Santa Maria, que tous les bus sont bloqués de l'autre côté et qu'ils auront entre 3 et 4 heures de retard, ce qui en péruvien veut dire 5 à 6 heures... Catastrophe! Il va falloir changer nos plans! Les pauvres petites européennes que nous sommes, habituées à mener une vie bien ordonnée, sont toute chamboulées! Nous commençons donc à nous éloigner de la gare, la mine dépitée, lorsqu'un jeune homme nous saute dessus et nous propose de partager un combi jusqu'aux éboulements, il dit que de l'autre côté nous attendra un autre bus, qu'il n'y a pas de souci, nous sautons donc sur l'occasion et nous voilà parties vers Santa Maria, en compagnie d'un irlandais et de 2 anglais.

La route est en effet dans un état déplorable, il pleut des cordes et les pierres jonchent le sol, mais cela n'a pas l'air d'inquiéter notre chauffeur, qui ne ralentit en aucun cas. Assises à l'arrière, nous sommes pétrifiées, même la flûte de pan à fond dans le combi ne réussit pas à nous détendre.

Et puis soudain nous apercevons LE derrumbe**, un mur de pierre barrant la route, empêchant effectivement tout passage, à droite la montagne, à gauche le vide... Et voilà que notre chauffeur ni ne s'arrête ni ne ralentit, fonce tout droit sur le mur de pierre et le franchit, sans même regarder ce qu'il y a derrière... en l'espace de 30 secondes nous voilà de l'autre côté, sans même avoir eu le temps de crier "Papa, Maman, je vous aime!", ils sont fous ces péruviens!



Le reste du trajet se déroule plus "according to plan". Une fois retrouvés nos esprits, nous prenons la peine de contempler le paysage, qui, malgré la pluie, est splendide: nous sommes à plus de 3000 mètres d'altitude et une végétation luxuriante nous entoure, contrastant fortement avec les cactus de la vallée sacrée. Il semblerait qu'un micro climat règne sur la région... mais comme je n'y connais rien je m'arrête là! Arrivées à Santa Maria, des étalages de fruits tropicaux nous attendent, je repars avec un sac plein de bananes et de mangues en l'échange d'1 sole (25 centimes d'euros), c'est l'abondance, voir l'excès, à croire qu'avec un bon réseau de distribution, les habitants de la région pourraient gagner leur vie correctement...



Nous faisons le voyage jusqu'à Sta-Teresa (2ème bus) en compagnie de quelques locaux, travailleurs agricoles pour la plupart, et de 3 colombiens, entre les sacs de maïs et de bananes. Le bus, qui grimpe péniblement la piste taillée à flanc de montagne, manque de tomber dans le ravin une trentaine de fois, mais ceci n'est qu'un détail face aux paysages spectaculaires qui s'offrent à nous. Nous traversons plusieurs villages et croisons plusieurs bandes de joyeux fêtards, costumés, maquillés, un verre de chicha morrada *** dans la main droite, une bombe à eau dans la main gauche, c'est carnaval, on l'avait presque oublié!

A la tombée de la nuit nous arrivons enfin à Hidroelectricas, il ne nous reste plus que... 3h de marche le long des rails jusqu'à Aguas Calientes! Heureusement les colombiens sont avec nous, et ont prévu, contrairement à nous, une lampe de poche, ce qui s'avère très utile étant donné qu'on ne voit RIEN, et que d'énormes trous perforent le chemin!




Arrivés à Aguas Calientes dans la nuit chaude et humide, un petit bout de fille nous propose une chambre, elle doit avoir 13 ans à tout casser et tient seule la réception du petit hôtel, à 23h... Epuisés par cette journée d'initiation imprévue aux risques et aux aléas de la vie péruvienne, nous acceptons sans négocier, et allons nous coucher.

Au petit matin nous découvrons la ville de jour, le tableau est assez glauque, Aguas Calientes n'est qu'une plaque tournante du tourisme vers le Machu Pichu, n'a aucun intérêt en soi, grise et délavée, elle se fond facilement dans le paysage pluvieux qui l'entoure, au dessus de nos têtes les nuages forment un toit oppressant, vite, partir! Vers 7h du matin nous entamons donc l'ascension vers le Machu Pichu, ça monte sec mais pas question d'atteindre en 5 minutes de bus un site que les Incas n'atteignaient qu'après 2 jours de marche depuis Cuzco! La vue sur la vallée est magnifique, une végétation d'une densité incroyable borde les eaux du torrent boueux qui gronde, le vert contraste avec le marron, sur les sommets, les nuages suspendus s'effilent et se déchirent.



Arrivées en haut, le désespoir s'empare des 3 tomates dégoulinantes de sueur que nous sommes devenues (pas facile de jouer les exploratrices) à la vue du manteau nuageux qui recouvre le site, on ne voit pas à plus de 20 mètres devant soi, merci la saison des pluies... Nous entamons l'ascension du Waina Pichu (jeune montagne en quechua, point de vue incontournable du Machu Pichu, la vieille montagne, qu'elle surplombe), entretenant l'espoir que se dégage le ciel pendant la montée, mais une fois au sommet, celui-ci est plus blanc que jamais... tellement que ça donne le vertige, on croirait flotter au sein des nuages immaculés...



Quelques éclaircies furtives nous permettent cependant d'apercevoir, l'espace de 30 secondes, le site en contrebas, comme pour nous narguer... Nous entamons la redescente désespérées, dire que nous avons risqué nos vies pour voir ce foutu Machu Pichu (enfin presque).... mais arrivées en bas, miracle! Les nuages se sont levés et forment au dessus des ruines un toit suffisamment élevé pour que l'on puisse voir la cité perdue dans sa totalité! Le désespoir cède le pas à l'excitation, puis à la joie, la contemplation du spectacle est... jouissive!



La visite guidée nous transporte, l'espace de 2h, au cœur de la civilisation Inca. D'après le guide, le village du Machu Pichu aurait hébergé, outre les habitants lambda, Las Virgenes del sol, des femmes choisies dès le berceau par le Dieu Inti pour leur beauté et leurs talents, vouées à mener une vie de chasteté au service des Dieux, ou à servir de concubines à la noblesse Inca. La cité perdue, choisie pour son emplacement stratégique, nichée au cœur d'une vallée fertile et à égale distance des 4 tombos (lieux de ravitaillement) de la région, aurait aussi servi de refuge à l'élite Inca à plusieurs reprises, notamment lors de la conquête espagnole et la prise de Cuzco par Pizarro et ses hommes.

Plus le guide parle, plus nous nous enfonçons dans les récits de cette civilisation fascinante, capable en l'espace d'un siècle, du règne de Pachacutec à l'arrivée de Pizarro, d'édifier et d'ordonner un empire allant de l'Equateur au centre du Chili. Impressionnantes l'intelligence et la résistance physique de ces petits bonhommes vivant en permanence dans les hauteurs, et capables de faire en 2 jours le voyage Cuzco-Machu Pichu que les touristes bien entraînés font aujourd'hui en 4.

Les clés de ce développement aussi rapide et productif? Une bonne dose d'autoritarisme certes, une société profondément hiérarchisée, des croyances bien ancrées aidant au maintien de cette hiérarchie et contribuant à la stabilité du régime en place, mais aussi un véritable projet d'Etat, une collectivisation bien pensée des biens et du travail, un système d'impôts en nature (la mita, obligeant chaque membre de la société à servir la communauté un certain nombre d'années en participant à des travaux publiques) et une forte propagande visant à encourager la solidarité nationale et la pensée collective.



Aujourd'hui les héritiers de cette civilisation tentent comme ils peuvent de faire vivre leur culture, et de survivre dans un système individualiste et capitaliste étranger à leurs valeurs, courant après les touristes pour leur arracher quelques dollars contre un poncho ou un bonnet péruvien. Dans ce contexte, les roses du parti socialiste placardées sur les murs de la ville semblent égarées, ignorantes et décalées. Je ne suis pas sûre que ces repères occidentaux aient vraiment un sens au pays des Incas...



* explorateur ayant découvert la cité perdue.
** effondrement
*** boisson péruvienne alcoolisée à base de maïs

lundi 10 mars 2008

Voyage jusqu'au culo del mundo...

Pour atteindre le bout du monde en trois semaines, en partant de Buenos Aires, il faut un minimum d'organisation, et surtout une date butoir, comme par exemple un avion à prendre, empêchant de céder à la tentation de s'attarder à chaque étape merveilleuse de ce périple.

Parties donc le 6 janvier de la capitale, il nous fallait atteindre Ushuaia avant le 27 janvier, date de notre envol pour Lima. Ne pouvant omettre un passage par la région des lacs, dans les Andes du centre, c'est en longeant la cordillère que nous avons choisi d'effectuer cette descente vers la Terre de feu.

Le 7 janvier au matin, après un voyage de 20h, nous voyons donc débarquer au terminal d'omnibus de San Carlos de Bariloche, ville principale de la région des lacs, 3 nenettes en jupettes, tongues et shorts, peinant sous le poids de leurs sac à dos armés pour 2 mois de voyage. A peine avons-nous posé le pied par terre que le vent frais nous chatouille les mollets, il va falloir revoir la garde robe!



Bariloche donc, petite ville du Rio Negro située au pied de la Cordillère des Andes et à quelques kilomètres de la frontière chilienne, au bord du lac Nahuel Huapi, géant aquatique de 560 km2, accueillant chaque année 750 000 touristes pour sa neige, ses sapins et ses ballades en montagne, qui en Argentine riment avec exotisme. A nos yeux cependant, celle que l'on appelle "la Suisse Argentine" pour ses chalets en bois, ses boutiques de chocolat et son peuplement originaire d'Europe centrale, est nettement moins dépaysante.



Mais nettement moins ne veut pas dire pas du tout, ici tout est plus vaste, plus étendu, en témoigne la superficie des lacs qui perforent la région. En voiture sur la route des 7 lacs, une sensation d'immense liberté nous envahit, nous sommes presque seules sur cette route soit disant très touristique, avec pour seul guide les lignes jaunes tracées sur le bitume.




Cinq jours dans la région de Bariloche c'est aussi l'occasion de se faire les mollets (et les ampoules) sur les sentiers de montagne, et de s'accoutumer au climat nettement moins généreux que celui de Buenos Aires, avant de faire face aux vents de Patagonie. A la fin du séjour, nous sommes donc prêtes à affronter le far south, mais avant cela, une escale à El Bolson s'impose.

El Bolson, à 2h de bus au sud de Bariloche, bien que proche géographiquement du chocolat et des chalets en bois, n'a pourtant rien à voir avec son aîné. C'est sous la dictature, alors que viennent s'y réfugier les intellectuels fuyant la répression, qu'El Bolson prend de l'ampleur. Aujourd'hui cette petite ville à la population métissée, encerclée de sommets rocailleux, héberge la plupart des hippies de la région. Ici on cuisine bio et végétarien, on boit de la bière artisanale et l'on vit parfois sans électricité, ce qui plait beaucoup aux jeunes roots argentins qui l'été envahissent les campings. Il n'y a pas à dire, El Bolson inspire et repose, mais le 27 c'est bientôt, pas de temps à perdre!



Le 14 janvier au soir, nous montons à bord du bus TAQSA pour un voyage de 30h le long de la ruta 40, nous n'arriverons à El Chalten que le surlendemain matin. La ruta 40, cette route empruntée par le Che, aujourd'hui toujours pas bitumée, seule liaison directe entre la région des lacs et le sud de la Patagonie, en a fait rêver plus d'un. Le voyage est long, les sièges étroits, et les rebondissements sur la route de gravier empêchent de dormir. Mais les chauffeurs ont la patate, nous servent du maté et se trémoussent au son de la cumbia toute la nuit, alors que défilent les paysages vertigineux à nos fenêtres. La route qui s'enfonce dans la steppe aride semble se perdre à l'horizon, toujours plus au sud, vers cette terre de fuite et d'exil*, d'espoir et de désespoir, où sont venus se perdre plus d'un aventurier écossais, gallois, espagnol ou encore yougoslave, attirés par les terres octroyées par le gouvernement argentin. Autour de nous très peu de végétation, que des épineux, et la cordillère des Andes qui se dandine en arrière plan, et derrière laquelle s'enfonce le soleil couchant.



Le surlendemain à 5h du matin, alors que le soleil n'est toujours pas levé, le bus nous lâche les fesses en feu et les paupières encore à moitié fermées au milieu d'El Chalten, capitale du trekking, petit village sans âme construit pour et par le tourisme, qui vit en haute saison et s'éteint en basse saison. Nous sommes en pleine montagne et le décor est magnifique, ici l'on ne quitte pas ses chaussures de rando, son anorak et ses granny, pas de place pour les flemmards!



Nous ne passerons que deux jours à El Chalten et reprendrons bientôt la route pour El Calafate, ville tremplin vers le parc des glaciers. Sur la route nous longeons d'abord les rives du lago Viedma, puis celles du lago Argentino, deux géants opaques d'un bleu laiteux dans lesquels se reflètent les sommets enneigés de la cordillère des Andes, et puis de ci de là quelques guanacos qui nous contemplent le regard vide.



Dans les rues d'El Calafate, malgré le nombre de touristes, on ressent pleinement l'esprit pionnier de cette ville, échouée sur les bords des 1560 km2 de dulce de glaciar** du lago Argentino, en plein désert, construite à l'origine comme un point de ravitaillement des convois acheminant cuir et laine des estancias vers les ports de la côte. C'est en 1927 que l'Etat Argentin décrète son existence, elle ne compte alors qu'une trentaine d'habitants. Aujourd'hui elle en compte 22 000. Quelle est la cause de cette explosion démographique? Le tourisme, et plus précisément le Perito Moreno, l'un des glaciers les plus gros et les plus accessible du parc national Los Glacieres. Il est vrai que cette coulée de glace hirsute et monstrueuse de 15km de long et de 5 km de large, qui atteint jusqu'à 60m au dessus du lac, impressionne. Toute la journée, alors que des blocs de glace se détachent de sa paroi, venant s'écraser dans les eaux du lago Argentino, il grogne et rugit, au son des "Han!" et des "Waaah!" des touristes agglutinés sur le belvédère.



Une fois accomplie l'opération touriste au glacier, nous quittons El Calafate, laissant derrière nous nos amis Bertrand et Laurent les belges, Francisca la suisse et Alberto l'espagnol, compagnons de soirées rencontrés sur la route. Cette fois c'est vers la frontière chilienne que nous nous dirigeons, pour atteindre Puerto Natales, petit village portuaire perdu au milieu des fjords de la Patagonie chilienne. Finis les hectares de steppe et les lacs aux étendues infinies, ici la terre, ciselée par la mer, se fait plus rare, et tout semble plus étroit. Ca sent le poisson dans la ville, la population est beaucoup plus métissée et l'accent des habitants nous titille les oreilles, nous sommes au Chili!



Notre séjour en pays voisin sera bref, comme d'habitude, mais nous permettra quand même de passer 3 jours dans le parc Torres del Paine, concentré de nature et de paysages spectaculaires. Seul point d'arrêt au Chili, Puerto Natales sera notre ultime étape avant Ushuaia.

Le voyage jusqu'à la ville du bout du monde dure une douzaine d'heures, en traversant le détroit de Magellan, on prend conscience de l'isolement de ces terres australes, séparées du continent non seulement par les eaux mais aussi par les 2 frontières avec le Chili qu'il faut traverser pour y accéder, fruit d'un découpage conflictuel entre les 2 pays voisins. Une fois de l'autre côté du détroit, je tente de visualiser ce à quoi pouvaient ressembler les fumées des bûchers indiens qui poussèrent Magellan à donner le nom de Terre de feu à cette région, mais l'inscription "fast food" sur les murs du restaurant dans lequel nous nous arrêtons me ramène rapidement à la réalité.





A travers nos fenêtres défilent les hectares de steppe, les nuages effilés qui font la réputation des ciels de Patagonie, et puis de temps en temps un gaucho à cheval suivi de ses moutons. Nous sommes en fin de journée, nous filons toujours plus vers le Sud, lorsque la végétation change brutalement, se faisant plus verte et plus dense, le paysage lui aussi se fait plus vallonné, la route grimpe légèrement, le ciel commence à se teindre des couleurs du crépuscule lorsque nous arrivons en haut, surplombant enfin la baie d'Ushuaia où s'offre à nous un coucher de soleil spectaculaire!





Certes il n'y a pas grand-chose à faire en Terre de feu, le parc national déçoit souvent les touristes venant de Torres del Paine et le charme de la ville tient surtout à l'appellation "fin del mundo", qui scientifiquement ne veut pas dire grand-chose et reste en sois très superficielle. Et pourtant, au bout du monde, on s'y sent bien, quand le soleil se couche à minuit, offrant chaque jour aux touristes amassés sur la croisette un show merveilleux, que les carcasses des bâteaux d'anciens aventuriers encombrent le port, et que les vieux outils des indiens Yamanas jonchent le sol de l'isla H, au milieu du canal du Beagle. Au bout du monde on se laisse facilement emporter par les histoires des peuples indigènes, Selk'nam, Haush, Kaweskar et Yamana, des aventuriers venus se mesurer au climat hostile des terres australes, des scientifiques partis explorer le Nouveau Monde, ou encore des missionnaires jésuites prêts à convertir par la force les autochtones au christianisme.



C'est donc dans la baie d'Ushuaia, entre les phoques et les cormorans, que prend fin notre périple patagonien, il faut dire qu'il est difficile d'aller plus loin! Comme prévu nous embarquons le 27 janvier à l'aéroport d'Ushuaia en direction de Buenos Aires, puis de Lima. Envol vers un autre monde, le dépaysement risque d'être violent!



* D'après Annick Cojean, c.f. Le Monde du 26 janvier
** Nom donné par les argentins au contenu des lacs de la région, mélange de sédiments et de glaces fondues,, pour l'aspect laiteux de ses eaux.